Eléments de débat autour des jeux coopératifs
Plusieurs questions nous sont posées de manière récurrente,
celles-ci nous poussent à affirmer notre identité associative.
Faut-il bannir la compétition ?
Promouvoir les jeux coopératifs renvoie souvent l'image d'une « anti-compétiton ». En sommes, nous véhiculons malgré nous l'idée que la compétition serait négative, et que la coopération serait positive. Et si nous sommes contre le monopole de la compétition - qui n'est pas plus « naturelle » que la coopération - c'est avant tout que l'une et l'autre ne sous-tendent pas les mêmes compétences et que les compétences relationnelles nous semblent fondamentales. Mais nous n'oublions pas non plus que coopération et compétition sont avant tout des moyens d'atteindre un objectif, et non des valeurs. On peut coopérer pour nuire... Car le moyen ne dit rien de l'objectif poursuivi.
Jouer pour éduquer ou jouer pour jouer ?
Lorsque nous animons des jeux coopératifs ou lorsque nous en vendons, on nous demande souvent si nos jeux sont « éducatifs ». Nous réfutons cette option, et valorisons au contraire le « jeu pour le jeu » : les jeux de coopération peuvent modifier nos relations, c'est un fait. Mais au-delà, il s'agit de retrouver le plaisir de partager ensemble, et de s'amuser ensemble... en mélangeant les âges, les goûts, et en valorisant les compétences différentes qui nous habitent. Trop de jeux « à message » ont selon nous pour effet de dégoûter les enfants de cette joie simple du moment agréable partagé.
Violence et non-violence dans les jeux de société coopératifs
Longtemps, nous n'avons diffusé que des jeux non-violents, pour les enfants. Mais depuis quelques années, de nombreux éditeurs de jeux pour adultes développent des jeux pour adultes de qualité, dans des univers « violents » (fantaisie médiévale par exemple). Régulièrement, nous débattons avec les milieux non-violents, et nous avons remarqué qu'il existe une tendance à lier automatiquement coopération et non-violence, ce qui pour nous est un parti-pris contestable. Nous sommes pour des relations interpersonnelles non-violentes, mais nous ne sommes pas d'accord pour tirer ce trait d'égalité entre les notions. Aussi, depuis 2012 nous ouvrons nos animations et nos ventes à ces jeux pour adultes, en démarrant un travail particulier sur la question des violences, symboliques et réelles.
Des jeux pour chaque tranche d'âge ?
Les boîtes de jeux de société indiquent toujours des tranches d'âge. Pour nous, cela ne signifie pas grand chose : nous animons ainsi des jeux dits « adultes » avec des enfants dès 6 ans, et nous avons remarqué que certains adultes n'arrivent pas à intégrer la logique coopérative, même avec des jeux simples. Car la question est bien celle-ci : est-on habitué à la coopération ou non ? Cela demande une adaptation, et l'acceptation d'un nouveau cadre de pensée. Et pour nombre d'enfants, jouer avec les autres est aussi naturel que jouer contre les autres. Surtout avec ces jeux qui nous permettent de nous entre-aider !
Nicolas Bestard et Chloé di Cintio,
extrait de l'article "Eduquer àla relation" paru dans le Numéro 334 de la Revue Non-Violence Actualité