Bilan, pour quoi faire ?

25/11/2010 00:15

Faire le bilan, déposer le bilan : bilan rime avec clôture, et nous donne parfois un avant goût de nostalgie, car souvent lorsque le bilan commence la fin commence à se faire sentir. Mais comme chacun sait, sans fin pas de début ! Et un bilan c'est aussi rendre possible et perfectionner le début qui suivra. Alors, on peut faire un bilan pour infléchir la direction de ce qui est en train de ce passer, pour déposer ses valises et repartir avec un énergie neuve… Le bilan donne un rythme à l'action et offre un temps où, sans se juger, ni se culpabiliser, chacun peut dire où il en est de ce qu'il vit et ce qu'il voudrait vivre. Alors, en réunion, en classe, en famille ou lors de tout autre vécu de groupe, faisons des bilans ! Et pour varier les plaisirs et ne pas faire de ce temps suspendu un moment pesant, voici dix (10) manières de faire, parmi d'infinies autres possibles.

 

A quoi sert un bilan ?

On peut terminer une réunion rapidement, en se disant au revoir avant de sauter dans sa voiture pour rentrer chez soi. On peut terminer une réunion avec lenteur, et les participants partent les uns après les autres après deux ou trois conciliabules individuels pour commenter ce qui vient d'être dit. On peut terminer une réunion par élimination progressive des plus fatigués, avec des débats interminables au bout desquels seules 2 ou 3 personnes prendront les décisions. Un bilan, ça sert d'abord à éviter tout cela.

Après tout, si nous nous réunissons, c'est que nous avions des choses signifiantes à faire, à dire, à débattre ensemble. Et très vite, nous le savons, différents niveaux se mêlent : le rationnel, le personnel, l'intime, des ressentis vagues ou envahissants... Le moment de bilan, que l'on a prévu, que l'on attend, est ce moment, où, sans débat, je peux me dire, de façon succincte mais sincère, y compris dans le silence. C'est un moment où je fais retour sur moi-même, pour dire (et me dire à moi-même) ce par quoi j'ai pu être traversé : les moments où j'ai pris du plaisir, les moments où j'ai décroché, souffert, que ce soit à cause des débats ou à cause de la façon dont le café a été servi. Bien sûr, tout cela, je le dis aux autres. Je les informe sur ce que j'ai vécu, sur mes bonheurs, mes regrets, mes espoirs. C'est donc un moment de dernier partage avant de se séparer pour un moment ou pour toujours.

Il s'ensuit que le bilan est un moment pour le groupe, et, éventuellement, pour l'animateur du groupe, de saisir son état : si la majorité des personnes présentes expriment un mal vécu, c'est qu'il y a des choses à changer, à discuter, à recomposer. C'est également le moment de repérer ce qui nécessiterait d'être repris et approfondi lors des prochaines rencontres. Cela permet au groupe - comme aux personnes - de cheminer.

Enfin, le bilan est ce moment où on peut se dire : ça y est, maintenant les débats sont clos, je peux passer à un autre état de moi-même. Un peu comme au théâtre. Le rideau tombe, les lumières de la salle se rallument, je change de monde. C'est une façon de se dire collectivement que quelque chose a eu lieu, où chacun a pris sa part, et que maintenant, c'est fini. C'est un rituel, en somme, mais un rituel signifiant, qui distille un message clair sur la fin de ces moments d'écoute. Et c'est, somme toute, une politesse. Je signifie, et le groupe signifie que chacun doit être écouté, et que, juste après, cette écoute sera close. Cela évite que quelqu'un se retrouve à parler dans le vide, ou reparte seul avec ses interrogations ou ses enthousiasmes.

Tout cela rappelle, et ce n'est pas neutre, que le bilan est un moment extrêmement important, et il vaut certainement mieux interrompre un débat (pour y revenir plus tard) que de le sacrifier. Et aussi que le bilan, pour être le dernier temps d'une réunion, doit cependant être conçu, dans tous ses aspects (calme, luxe, et volupté), pour favoriser l'écoute la plus intense.

Richard Abécéra


 

Différents niveaux de bilans :


 

Le bilan est un temps d'échange. Aussi je peux choisir sa forme entre différents médias (l'oral, l'écrit, le dessin, le mime…). Mais, on l'oublie parfois, je peux aussi choisir à quelle partie des personnes présentes je vais m'adresser - en considérant que l'être humain est un être physique, émotionnel, rationnel et spirituel (je n'aborderai pas ici ce quatrième niveau). Et si chacun de nous est toutes ces parties à la fois, et qu'elles interagissent constamment en nous, je peux néanmoins choisir d'en mettre une en avant ou en choisir une comme point de départ du bilan. Ainsi les bilans permettent de poser et soulever différentes questions, à différents niveaux.


 

  • Au niveau physique :

Si je m'adresse au corps des personnes en présence, voilà les questions que je pourrais poser : "Qu'est-ce que mon corps me dit ?" ou "il y a t-il une zone de mon corps que je sens particulièrement et que me dit-elle ?". Lorsque je vois quelqu'un s'ouvrir ou se recroqueviller, je peux chercher à comprendre ce qu'il vit dans son corps. En groupe, on peut accentuer nos tensions et détentes physiques et les montrer aux autres (via le mime par exemple) : "j'en ai plein le dos", "je n'arrive plus à avancer", "en ce moment, j'oublie de respirer", "je suis au bord des larmes", "je suis détendue", "molle"…

  • Au niveau émotionnel :

" Comment je me sens ?" ou "comment je me suis senti ?"

L'émotionnel c'est le vécu intime de chacun, ce qui s'exprime du fond de mon histoire et sans que ma volonté n'ai à intervenir. Je me sens heureuse, joyeuse, aux anges, en colère, révoltée, triste, déprimée, sans élan, j'ai peur, je suis terrorisée… Nos émotions sont la réalité de ce que nous vivons (si j'ai peur, c'est une certitude – et si quelqu'un me rétorque "mais non, tu n'a pas peur", j'aurai peur quand même). Nous pouvons chercher à transformer nos émotions, surtout si elles sont désagréables, nous pouvons passer d'une émotion à une autre, mais nous ne pouvons pas nier l'émotion que nous sommes en train de vivre.

Une émotion négative cache un besoin non satisfait, aussi si je parviens à identifier et à combler ce besoin en moi qui crie famine, je retrouve un niveau émotionnel stable et équilibré – et donc "agréable".

  • Au niveau rationnel :

ex. : "Qu'est-ce que j'ai appris ?", "quelle est l'analyse que je fais de la situation ?", "quel problème puis-je identifier dans ce fonctionnement, cette structure… ?"

Le rationnel peut être centré sur soi (la première question), ou centré sur un élément objectivable (si je parle d'une structure, bien que j'en fasse partie, je la considère comme extérieure à moi lorsque je l'analyse). Le mental ouvre facilement sur des débats d'idées, riches en ouvertures ; mais le risque est que la parole prononcée ne soit pas suffisamment incarnée par la personne qui la prononce. Vous savez, c'est le fameux "il faudrait faire ça" que personne n'est prêt à mettre en œuvre !


 

Aussi pour s'exprimer sur ces trois niveaux, il semble judicieux de suivre la progression suivante : commencer par le physique, en passant par l'émotionnel et en terminant par du rationnel permet de ne pas se laisser baratiner par notre mental : le rationnel final sera en lien avec ce que nous avons vécu émotionnellement, avec nos besoins plutôt qu'avec nos projections.

Ex : Mon vécu peut me dire que je suis fatiguée, que je travaille trop et mon mental vouloir que je travaille plus. Si j'écoute seulement mon mental je risque de m'épuiser, si j'écoute aussi mon émotionnel, je peux élaborer une stratégie qui alliera ces deux élans apparemment opposés. Je peux faire une pose, décompresser et ensuite, une fois reposée, mettre les bouchées doubles ; je peux revoir ma méthode de travail pour la rendre plus efficace et moins fatigante…

Bien souvent le mental nous trompe, tourne autour du pot pour ne pas nous laisser voir nos émotions. Laisser parler celles-ci en premier permet d'aller vers plus de cohérence, d'entendre et de laisser voir notre être dans sa globalité (car lorsque je mets en mots, je prends conscience).


  

Différents supports et méthodes


 

Je dis

Le média le plus couramment utilisé lors des bilans est, bien sûr la parole. Dans ce cas je réponds oralement à une question posée par l'animateur du groupe, en parlant en mon nom ("je"), à mon tour, sans interrompre l'autre et sans réagir à ce que disent les autres, ni me moquer de certains propos.

Pour le choix des questions, voir "les différents niveaux de bilans".

 

J'écris

Pour un bilan de fonctionnement de groupe :

Chacun-e prend un papier vert et un papier orange. Sur le papier vert, chacun-e écrit deux ou trois choses qui lui ont particulièrement plues. Sur le papier orange, deux ou trois choses qui ne lui ont pas plues. Cette forme de bilan incite à dire autant de positif que de négatif, car bien souvent les personnes dans un groupe ont tendance à dire ce qui va et à taire ce qui ne va pas. Ces papiers peuvent être anonymes ou non. L'animateur du groupe fait ensuite la liste de tout ce qui n'a pas été et de tout ce qui a été (deux colonnes : OK / pas OK. Une technique consiste à reparler en groupe des points qui ressortent majoritairement, en négatif et en positif afin de cibler des points forts et de pouvoir construire des solutions communes aux problèmes majeurs. Après 3 ou 4 points, penser à vérifier si chacun est d'accord pour s'en tenir là ou si quelqu'un souhaite vivement parler d'un point, même minoritaire.


 

Pour une gestion des difficultés interpersonnelles :

  • Cette situation se produit lorsque dans un groupe, le sujet abordé en bilan est celui des relations : pour se faire passer des remarques ou des appréciations positives, on peut fabriquer des "chaudoudoux" (cf. le conte du même nom de Claude Steiner). Le "chaudoudoux" est fait pour faire plaisir ; il consiste à écrire sur un morceau de papier ce que l'on apprécie chez l'autre. L'unique consigne est que la phrase écrite commence par la formule suivante : "Ce que j'aime en toi c'est…". Chaque personne peut réaliser un chaudoudoux pour chaque autre membre du groupe, si le groupe est important et le temps limité, on peut décider que chacun écrit par exemple cinq (5) chaudoudoux, mais attention à ce que chacun en reçoive ! Les chaudoudoux sont distribués aux personnes qu'ils concernent, mais leur auteur peut rester anonyme. Les chaudoudoux peuvent être réalisés par des enfants ou des adultes, ils permettent de renforcer les bonnes relations et aussi de faire l'effort de trouver en chacun, quelque chose de positif.

  • Lorsque l'on sent que les relations ne sont pas très harmonieuses, le bilan interpersonnel peut utiliser la célèbre construction de phrase de la communication non violente (CNV) : la consigne est alors d'écrire sur un morceau de papier une phrase composée des parties suivantes :

Lorsque je te vois faire ….. (ou lorsque je t'entends dire…)

Je me sens …

Parce que …

Aussi je te demande de ….

Et j'essaierai de … (ou je m'engage à …)

Cet exercice difficile au début permet de revenir sur des moments qui ont été difficiles à vivre avec quelqu'un, sans tomber dans l'accusation ni lui faire porter toute la responsabilité de la chose, car la relation à toujours deux bouts !


 

Je dessine

  • Je dessine comment j'ai vécu la journée, ou la semaine, puis j'explique mon dessin aux autres personnes du groupe. Ceci permet de prendre un temps pour faire le point avec soi-même et se recentrer, avant de faire un retour au groupe. Cette approche est très peu directive.

  • En début ou en fin de journée : je dessine un visage simple sur lequel se lit l'émotion dans laquelle je suis. Il s'agit ici de prendre la température émotionnelle du groupe avant de commencer un travail afin de pouvoir adapter le rythme et les supports à l'énergie du groupe.

  • L'animateur du bilan dessine une cible sur une grande feuille : un grand cercle, avec un centre, une partie centrale et une zone "extérieure". Ce disque est découpé en autant de parts qu'il y a de points à aborder. Chaque participant dispose d'un feutre de couleur différent et fait un point (une étoile, un escargot…) dans la zone qui correspond à son appréciation : le centre correspond à quelque chose que j'ai particulièrement aimé, le milieu est une zone mitigée et l'extérieur une zone qui correspond à des choses qui m'ont déplues. Cette cible peut avoir un fond coloré (ex. : vert au centre, orange au milieu, rouge au bord). Ici encore le groupe réalise un bilan sur un support unique, et crée donc une image qui laisse bien apparaître l'appréciation globale du groupe (des points positifs et négatifs ressortent visuellement). Ces points peuvent ensuite être discutés.

 
 

Je colle

- L'animateur fait la liste des différents thèmes à aborder (seul ou avec les participants). Chaque thème sera écrit en titre sur une feuille A4, et les participants ont à leur disposition des petits papiers ou gommettes de couleurs différentes (des rouges, des oranges et des verts). Les feuilles sur lesquelles sont inscrits les points à aborder passent de mains en mains et chaque personne colle sur cette feuille la couleur correspondant à son appréciation. Par exemple je colle une gommette orange sur le thème "cuisine" car je n'ai pas aimé tous les repas. Les participants peuvent prendre deux gommettes pour nuancer leur réponse : en fait, il n'y a qu'un repas que je n'ai pas aimé, je colle donc une gommette rouge ou orange et je la recouvre en grande partie d'une gommette verte.

Les feuilles, une fois remplies, sont affichées au mur ou étalées au centre du cercle de personnes et laissent voir une ou plusieurs couleurs dominantes, ce qui est très parlant. On peut ensuite faire un tour de parole pour approfondir certains points, comprendre ce qui a été ou non, donner la parole à ceux qui voudraient s'exprimer aussi oralement. Si ce bilan n'est pas final, il laisse place à la recherche de solutions et d'améliorations, et met également en évidence les choses qui ont plu à tout le monde et qu'il ne faut donc pas changer.

 

Je mime

- A la fin d'une réunion ou d'un stage, je me lève et mime au groupe l'état dans lequel je me trouve. Chacun à tour de rôle fait une statue devant les autres. Ce bilan est à préférer lorsque l'on sait qu'il n'y a aucun mal vécu sérieux. En effet, les mimes prêtent à rire et si cela met une bonne ambiance, attention à ne pas rire du malaise sérieux d'une personne…


Je fais un son

- A tour de rôle, chacun-e produit un son qui correspond à son état intérieur. On fait ensuite un tour de parole pendant lequel chacun-e dit ce à quoi le son qu'il a entendu lui a fait penser. Il est intéressant de voir comment les personnes reçoivent différemment ce quelles entendent, et de réaliser la diversité des interprétations.


Les bilans globaux et des points plus précis

Outre la prise de recul finale, l'animateur du groupe peut proposer de faire des "arrêts sur image" lorsqu'il sent que l'ambiance du groupe change (un malaise s'installe, les personnes semblent fatiguées et/ou dispersées…).

Ceci : 1) que l'on veuille juste vérifier si chaque personne est dans un état émotionnel qui lui convient et qu'elle vit paisiblement ou 2) que l'on sente que quelque chose se vit sur le plan émotionnel. On prend alors un temps pour que chacun puisse dire où il en est, et mette en mots ce qu'il est en train de vivre. Cela permet de "déposer ses valises" et de recréer un espace disponible pour autre chose.

Mais mettre en mots ne suffit pas toujours à se libérer d'un stress, d'une colère… Aussi, à chaque émotion négative exprimée, l'animateur peut demander à la personne de dire si cela va mieux en le disant ou si elle a un besoin à satisfaire pour retourner à une émotion positive.


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